nous rappelle que l'invention de la sandale représente l'un des plus grand bond en avant de l'humanité.
En préliminaire
à cette dernière communication de la session
n°5,
regardons où nous mettons les pieds, Watch our Step, comme on dit en
anglais,
et
effectuons un bref rappel sur la mécanique des
langages iconiques.
En
Occident, le langage iconique est
largement utilisé en signalétique.
Le carton d'emballage dans lequel me fut
livré
il y a quelques semaines mon four électrique
portait des avertissements du genre Ne pas marcher ici!
Remarquons que cet icone ne ressemble pas à un
pied nu, mais à un soulier,
dont le talon est délimiter par un trait.
Un autre signe iconique commun est celui
représentant une personne.
S’il est redoublé, il signifiera des
gens.
Ainsi, pour limiter la confusion entre caractères qui se
ressemblent, la classe d’idées
générales
à laquelle appartient un caractère est
indiquée par
une clé, placée
sur sa partie gauche.
La clé amplifie le sens d’un
caractère ou d’un glyphe.
Pour le glyphe
« des
gens », sa clé
représente UNE
personne.
Placé devant ce même signe, le signe
composé résultant signifie des gens.
Ici, la partie représentant 1 personne agit
comme une clé, une composante indiquant
la classe d'idées générales
à laquelle appartient le signe composé.
En
Orient, l'utilisation de langage iconique est commun.
En Chine, par exemple, le pictogramme représentant
2 jambes
signifie un homme,
celui avec 2 hommes signifie de la compagnie, un homme
suivant l’autre,
alors que celui avec 3 hommes, signifie une foule.
De même, le
pictogramme composé de
racines /
du sol/ et d’un tronc signifie un arbre,
celui
avec deux arbres signifie un bois,
et celui avec 3 arbres, une forêt.
Les pictogrammes peuvent
donc jouer divers
rôles.
1.
comme pictogramme en soi, par exemple, le petit
carré signifie la bouche.
2. comme composante
d’un glyphe
complexe. Le pictogramme signifiant un pays est
composé
d’un grand carré
représentant les frontières, de hallebardes et
... de bouches-à-nourrir.
3. comme
mot de
mesure ou classificateur.
Cette fois, le glyphe bouche ajoute
le sens de bouche-à-nourrir
au glyphe homme.
Pris avec le
nombre 3, cela donne La politiquement correcte famille chinoise,
une famille de 3.
4.
comme clé. Ici le
glyphe bouche précise le sens
de verbes comme goûter ou chanter.
Revenons
à l’Art rupestre…la facilité
de s’auto-représenter en se servant de sa main comme
stencil
est une pratique universelle, vieille d’au moins
40’000 ans.
A l’opposé, la
difficulté de se servir de son
pied comme
stencil peut expliquer la rareté de ces stencils.
Des stencils
de pieds ont cependant étés trouvés;
une paire de pieds de
bébé à côté
d’une main
d’adulte
@ Kakadu Nat’l Park, des pieds d’adolescents
à juger d’après leur
taille comparée à celle des mains
@ Wadi Sora, au Sahara,
des empreintes de pieds d'adolescents à
côté de celle d'une main d'adulte, et
@ BradyCk dans le Cap York, l'unique stencil de pied dont
j'ai eu la chance de photographier.
Le
pied d’un nandou, ce gros oiseau sud-américain
incapable de voler,
a servi de
stencil à côté d’une main @
la Cueva de las Manos, en Argentine.
En Australie,
il y a les émous à la place des nandous, mais
d’après Don Hitchcock,
ce sont des
stencils artificiels qui ont servis pour ces pieds
d’émus.
Il rapporte
également, @ Carnavon Gorge, des stencils de pattes de
kangourous,
à côté d'un
stencil de main. Ce stencil pourrait être une
représentation iconique
du chasseur de kangourous, une sorte de mots de mesure à la
chinoise?
Alors que les
stencils sont des copies
exactes,
la taille des pieds gravés
de nandous @ Tampalaya Nat’l Park,
et d’émus
@La Galerie de la Dame Rouge et @ la Galerie du songe des Emus,
ne nous
est pas connue.
Comparés
aux gravures, les peintures uniquement de pieds d’oiseaux sont très rares,
avec seulement quelques
exemples @ Capivara ou @ Jowalbinna.
Il est raisonnable de penser que les
stencils, peintures ou gravures de pieds d’oiseaux,
quelques soient leur
taille, soient des représentations
iconiques d’oiseaux.
Comment
l’image d’une
seule empreinte de pied
peut-elle servir d’icône représentant un
animal?
Notons tout d’abord qu’une trace fossile
est difficile à distinguer d’un
pétroglyphe.
Cela veut dire que les marques
fossiles de pied de dinosaures ont du faire
l’objet
d’une curiosité
respectueuse, et un encouragement à graver toute sorte de
pieds.
Les marques de
pas, éphémères,
laissées dans la boue ou le sable humide par toutes sortes
d’animaux,
ne manquent pas, comme le montrent ma photo d’une trace
d’émou dans
le gravier.
Pour résumer, je dirais que
la caractéristique la plus
frappante d’un être vivant pourrait
bien être
l’empreinte de ses pieds...
Ce pétroglyphe
de l’empreinte de patte près de
Twyfelfontein, en Namibie,
est symboliquement comme la carte de visite laissée
par Monsieur Léopard,
juste comme les traces de sabots de chevaux @ Qiangan Obo
sumu, en Mongolie-intérieure.
Et
qu’en est-il des empreintes de pied humain ?
Sur l’Alpe Vanoise à 2’270
mètres d’altitude,
admirons cet inattendu grand ensemble d’empreintes.
Il contraste avec
cette paire isolée près de Grimentz, en Suisse
et l’empreinte d’un pied gauche
près d’Aubrias s/Cèze en France.
Nous suspectons ces gravures profondes d’indiquer
des
points
d’observation pour les levers du soleil aux
solstices.
Certains sont
même
décorés avec des figures anthropomorphes, et
d’autres,
c’est intéressant, avec
le calendrier octaedris.
Leur petites
tailles, cependant, semblent peu réalistes,
et je suspecte l’utilisation de
patrons en écorce.
En
contraste aux nombreuses gravures de pieds d’oiseaux,
les gravures de pieds
d’humain avec orteils, sont rares,
on en voit @ Ourense, en Galice,
@ Spee tay tiga, en Afghanistan,
@ Listleby, en
Sweden
et @ Foppe di Nadro, en
Italie.
Leurs tailles ici sont réalistes.
Maintenant
la question qui démange: Comment
peut-on distinguer
l’empreinte d’un pied nu de
celle d’une sandale? Lors
de l'introduction,
nous avons vu que la signalétique moderne utilise dans ce
but la ligne du talon.
@ Lerfall près de
Trondheim, dans la gravure de l'empreinte du
sabot d'un géant,
c'est le
lacet sous la semelle qui apparait comme le signe
distinctif d'une sandale.
Dans cette photo, comme jauge de la taille du glyphe, j'ai
capturé
le sabot de
notre collègue Kalle Sognnes.
A droite, ce glyphe
de Mongolie intérieure mérite d'être
examinée de plus près.
L’image
imprécise d’un arc dans ce
cas était source de confusion.
Par contre, @ Foppe di Nadro, au Valcamonica, il
y a de nombreuses paires de sandales,
sans confusion possible!
Cette
plaquette en ivoire d’hippopotame vieille de 5’000
ans est porteuse d’un glyphe.
et ce glyphe est ici iconique :
il ressemble exactement
à la paire de sandales du Pharaon
Den à laquelle
cette étiquette était attachée.
Au contraire, dans le pictographe de droite,
l'empreinte de sandales tient
la place des oreilles d’un chaman. Antonio Nunez Jimenez
a qualifié
cette étrange pièce d'Art rupestre d'una figura interesantisima.
Dans cette composition @ La Cueva de Pichardo dans la Sierra de
Cubitas,
à Cuba,
les icones de plusieurs
objets tiennent la place
d'autres choses,
évoquant non pas une, mais plusieurs idées.
C'est ce que j'appelle les graphèmes
iconiques.
@
Sandy Ck , dans le Cap
York, mon guide, Matt Trezise pointe son index
vers un dingo & son petit,
tous les deux avec des orteils peints avec soins et
@ la Gallerie des Wallarous, près de
Jowalbinna, le père de
Matt, Percy Trezise
et son dingo
Lacka font face, il y a de ça déjà
quelques années,
à un wallarou géant aux orteils peints avec soins.
@
Gorny-Altaï, à côté
de la gravure d’une
échelle,
surgit du haut d’un énorme rocher cet ours
dirigeant ses griffes dévastatrices
vers un groupe d'anthropomorphes.
Sur la droite, l'aggrandisement des griffes postérieures et antérieures.
Des pieds
d’humains avec orteils & talons
surdimensionnés
peuvent
aussi figurer dans de plus larges compositions.
Ils illustrent ce que Jan Deregowski appelle le
«contour
typique».
@ Helanshan, la plante du pied est
juxtaposée à
l’extrémité de la
jambe.
@ Listebly, 2 pieds gauche sont fichés
à l'extrémité
des mollets robustes du chasseur,
@ Galerie du songe de l’Emu, l’homme vu de
face a cependant
les gros orteils appartenant à des pieds vus de dos.
juste comme les gros orteils de la jeune femme
@ la Galerie du champ de
Yam,
avec sa poitrine bien
visible, vue de face.
Dans tous ces cas, l'icone
pied-avec-orteils
apparait comme un attribut essentiel,
une sorte de
clé spécifiant les
bipèdes.
Une
cupule peut évoquer l’empreinte du pied
dans le sable ou la neige.
Pendante à l'extrémité d'un membre,
elle agit comme une clé pour
bipèdes et quadrupèdes.
@ La Gardette de telles
cupules pendent à l'extrémité des
membres d'anthropomorphes.
@ Twyfelfontein, aux
jambes
d’un éléphant, et
@ Zurla, aux
jambes de cerfs. Notons que le glyphe représentant la ramure des cerfs
d'iconique se transforme en
graphème iconique,
un clone de leur ramure est transplantée comme substitut de
leur queue.
La
clé
pour une bête féroce, tel le Lion de
Twyfelfontein,
c’est sa carte de visite,
l’empreinte de sa patte.
Une empreinte de patte additionnelle est même
transformée en un graphème iconique,
et domine
l’ensemble du glyphe.
A droite, l'empreinte du sabot de ces cornus allonge significativement
leurs jambes,
@Twyfelfontein et @
Gorny Altaï.
Pour
identifier le genre
féminin des statues menhirs ruthènes,
la clé est une paire
de jambes
écartées
avec orteils,
renforcée par des attributs tels que seins et collier.
Pour le
genre masculin, la clé est une paire de jambes
serrées avec orteils,
renforcée par
des attributs tels qu’un objet-dague et son baudrier.
Itus et Reditus,
Ida y Vuelta, comme on le dit dans ce pays.
Cette stèle votive du 3ème siècle
à la Déesse Caelestis
pour un voyage aller-retour sans
problème
nous conduit à la conclusion de notre Atlas
illustré:
Le concept de clé et mot de mesure encore en usage dans la
langue chinoise,
jette une lumière nouvelle sur les images de pieds dans
l'Art rupestre.
Et toutes ces images qui vont des clones artificiels des empreintes de
dinosaures
aux empreintes de sandales (artificielles, par définition)
apparaissent comme instrumentales à une
quête
précoce de l’humanité...
la quête d’un langage
eiko-nique complexe, non
seulement capable
de représenter quelque chose par
quelque-chose-qui-lui-ressemble,
c'est à dire un icone,
et une autre fois….par quelque-chose-qui-évoque,
c'est à dire un graphème iconique, en d'autres
termes
le pas décisif vers l'Ecriture.