L'euthanasie,
le suicide assisté, c'est le droit de chacun de mourir dans
la dignité, l'ultime liberté
MAUPASSANT CENSURÉ
!!
Pierre
Vivargent & Guy de Maupassant
non_a_la_censure@free.fr
Les textes de MAUPASSANT appartiennent au domaine
public et sont
donc gratuits
en format Kindle chez
AMAZON-WHISPERNET...à l'exception de :
L'endormeuse, texte
publié dans L'Écho de Paris
du 16 septembre 1889
ne figure
plus dans le recueil "La
main gauche"
alors que
GALLIMARD, en édition de poche, publiait en
1999 (épuisé)
l'intégralité de La Main Gauche
accompagnée de
préciseuses notes et d'une intelligente préface
de M.C. Bancquart.
L' Endormeuse de
l'incroyant
MAUPASSANT
est redevenue
tabou
au pays des droits de l'homme...
grâce au
dieu-du-numérique : Amazon-Whispernet
Heureusement
la toile résiste encore à la
censure....voici de Guy de MAUPASSANT :
L'
ENDORMEUSE
La
Seine s'étalait devant ma maison, sans une ride, et vernie
par le soleil du matin.
C'était
une belle, large, lente, longue coulée
d'argent empourprée par places; et de l'autre
côté du fleuve,
de
grands arbres alignés étendaient sur toute la
berge une immense
muraille de verdure.
La
sensation de la vie qui
recommence chaque jour, de la vie
fraîche, gaie, amoureuse,
frémissait
dans les feuilles, palpitait dans
l'air, miroitait sur l'eau.
On
me remit les journaux que le
facteur venait d'apporter
et je m'en allai
sur la rive, à pas tranquilles, pour les
lire.
Dans
le premier que j'ouvris,
j'aperçus ces mots :
"Statistique des
suicides"
et j'appris que,
cette année, plus de huit mille cinq cents
êtres humains se sont tués.
Instantanément,
je
les vis ! Je vis ce massacre, hideux et
volontaire des désespérés las de
vivre.
Je vis des gens
qui saignaient,
la mâchoire brisée, le crâne
crevé,
la
poitrine trouée par une balle,
agonisant lentement, seuls dans une petite chambre d'hôtel,
et sans
penser à leur blessure, pensant toujours à leur
malheur.
J'en
vis d'autres, la gorge
ouverte ou le ventre fendu,
tenant
encore dans leur main le couteau de cuisine ou le
rasoir.
J'en
vis d'autres, assis
tantôt devant un verre où trempaient des
allumettes,
tantôt
devant une petite bouteille qui portait une
étiquette rouge.
Ils
regardaient cela avec des
yeux fixes, sans bouger;
puis
ils
buvaient, puis ils attendaient; puis une grimace passait sur leurs
joues,
crispait leurs
lèvres ; une épouvante
égarait leurs yeux,
car
ils ne savaient pas qu'on souffrait tant avant la fin.
Ils
se levaient,
s'arrêtaient, tombaient et, les deux mains sur le
ventre,
ils
sentaient leurs organes brûlés,
leurs entrailles rongées
par le feu du liquide,
avant
que leur pensée fût seulement
obscurcie.
J'en
vis d'autres pendus au
clou du mur, à l'espagnolette de la
fenêtre,
au crochet du
plafond, à la poutre du grenier, à
la branche
d'arbre, sous la pluie du soir.
Et je
devinais tout ce qu'ils avaient
fait avant de rester là, la langue tirée,
immobiles.
Je devinais
l'angoisse de leur coeur, leurs hésitations
dernières,
leurs
mouvements
pour attacher la corde, constater qu'elle tenait bien,
se la
passer au
cou et se laisser tomber.
J'en
vis d'autres
couchés sur des lits misérables, des
mères avec
leurs petits enfants,
des
vieillards crevant la faim, des jeunes filles
déchirées par des angoisses d'amour,
tous
rigides, étouffés,
asphyxiés,
tandis qu'au milieu de la chambre fumait encore le réchaud
de charbon.
Et
j'en aperçus qui
se promenaient dans la nuit sur les ponts
déserts.
C'étaient
les plus sinistres. L'eau coulait sous
les arches
avec un bruit mou.
Ils ne la
voyaient pas..., ils la devinaient en
aspirant son odeur froide!
Ils en
avaient envie et ils en avaient
peur. Ils n'osaient point !
Pourtant,
il le fallait. L'heure sonnait au
loin à quelque clocher,
et
soudain, dans le large silence des
ténèbres,
passaient, vite étouffés,
le
claquement d'un corps tombant dans la
rivière,
quelques
cris, un clapotement d'eau battue avec des mains.
Ce
n'était parfois aussi que le clouf de leur chute,
quand
ils s'étaient
lié les bras ou attaché une pierre aux pieds.
Oh !
les pauvres gens,
les pauvres gens, les pauvres gens,
comme
j'ai senti leurs angoisses, comme je suis mort de leur mort!
J'ai
passé par toutes leurs misères; j'ai subi, en une
heure,
toutes
leurs
tortures. J'ai su tous les chagrins qui les ont conduits là;
car je
sens l'infamie trompeuse de la vie, comme personne, plus que moi, ne
l'a sentie.
Comme
je les ai compris, ceux
qui, faibles, harcelés par la
malchance,
ayant
perdu les êtres aimés,
réveillés du rêve d'une
récompense tardive,
de
l'illusion d'une autre existence où Dieu serait
juste enfin,
après
avoir été
féroce, et désabusés des mirages du
bonheur,
en ont assez et
veulent finir ce drame sans trêve ou cette
honteuse comédie.
Le
suicide ! mais
c'est là force de ceux qui n'en ont plus,
c'est
l'espoir de ceux qui ne croient plus, c'est le sublime courage des
vaincus !
Oui, il
y a au moins une porte à cette vie,
nous pouvons
toujours l'ouvrir et passer de l'autre côté.
La
nature a eu un
mouvement de pitié; elle ne nous a pas
emprisonnés.
Merci pour les
désespérés !
Quant
aux simples
désabusés, qu'ils marchent devant eux
l'âme libre
et le coeur tranquille.
Ils
n'ont rien à craindre, puisqu'ils peuvent
s'en aller;
puisque
derrière eux est toujours cette porte que
les
dieux rêvés ne peuvent même fermer.
Je
songeais à cette
foule de morts volontaires : plus de huit mille
cinq cents en une année.
Et il me semblait
qu'ils s'étaient réunis pour
jeter au monde une prière,
pour
crier un voeu, pour demander quelque
chose, réalisable plus tard,
quand
on comprendra mieux. Il me semblait
que tous ces suppliciés, ces égorgés,
ces
empoisonnés, ces pendus, ces
asphyxiés, ces noyés:
s'en
venaient, horde effroyable, comme des
citoyens qui votent,
dire
à la société :
"Accordez-nous au moins une
mort douce !
Aidez-nous
à mourir, vous qui ne nous avez pas
aidés à
vivre !
Voyez, nous
sommes nombreux, nous avons le droit de parler,
en
ces jours de liberté, d'indépendance
philosophique et de suffrage
populaire.
Faites
à ceux qui renoncent à vivre
l'aumône d'une mort
qui
ne soit point répugnante ni effroyable."
.......................................................................................
Je
me mis à
rêvasser, laissant ma pensée vagabonder
sur ce
sujet en des songeries bizarres et
mystérieuses.
Je
me crus, à un
moment, dans une belle ville. C'était Paris; mais
à quelle époque ?
J'allais
par les rues, regardant les maisons, les
théâtres, les établissements publics,
et
voilà que, sur une place,
j'aperçus un grand bâtiment, fort
élégant, coquet et joli.
Je
fus surpris, car on lisait
sur la façade, en lettres d'or :
"Oeuvre
de la mort volontaire."
Oh !
étrangeté des
rêves éveillés où l'esprit
s'envole dans un
monde irréel et possible!
Rien
n'y étonne ; rien n'y choque; et la
fantaisie débridée ne distingue plus le comique
et le lugubre.
Je
m'approchai de cet
édifice où des valets en culotte courte
étaient assis dans un vestibule,
devant
un vestiaire, comme à l'entrée
d'un cercle.
J'entrai
pour voir. Un d'eux,
se levant, me dit :
-
Monsieur
désire ?
-
Je désire savoir
ce que c'est que cet endroit.
-
Pas autre chose ?
-
Mais non.
-
Alors, Monsieur veut-il que
je le conduise chez le secrétaire de l'oeuvre ?
J'hésitais.
J'interrogeai encore :
-
Mais, cela ne le
dérangera pas ?
-
Oh non, monsieur, il est ici
pour recevoir les personnes qui désirent des renseignements.
- Allons, je vous suis.
Il
me fit traverser des
couloirs où quelques vieux messieurs
causaient;
puis je
fus introduit dans un beau cabinet, un peu sombre,
tout
meublé de bois noir. Un jeune homme, gras,
ventru,
écrivait
une
lettre en fumant un cigare dont le parfum me
révéla la qualité
supérieure.
Il
se leva. Nous nous
saluâmes, et quand le valet fut parti, il demanda :
-
Que puis-je pour votre
service ?
-
Monsieur, lui
répondis-je, pardonnez-moi mon indiscrétion.
Je
n'avais jamais vu cet établissement.
Les quelques mots
inscrits sur la
façade m'ont fortement étonné;
et je
désirerais savoir ce qu'on y
fait.
Il
sourit avant de
répondre, puis, à mi-voix, avec un air de
satisfaction :
-
Mon Dieu, monsieur, on tue
proprement et doucement,
je
n'ose pas dire agréablement, les gens qui
désirent mourir.
Je
ne me sentis pas
très ému, car cela me parut en somme naturel et
juste.
J'étais
surtout étonné qu'on
eût pu, sur cette planète à
idées
basses,
utilitaires,
humanitaires, égoïstes et
coercitives de toute
liberté réelle,
oser
une pareille entreprise, digne d'une humanité
émancipée.
Je
repris :
-
Comment en
êtes-vous arrivé là ?
Il
répondit :
-
Monsieur, le chiffre des
suicides s'est tellement accru pendant
les cinq années qui ont suivi
l'Exposition
universelle de 1889 que des
mesures sont devenues urgentes.
On se
tuait dans les rues, dans les
fêtes, dans les restaurants, au théâtre,
dans
les wagons, dans les
réceptions du président de la
République, partout.
C'était
non
seulement un vilain spectacle pour ceux qui aiment bien vivre comme
moi,
mais
aussi un mauvais exemple pour les enfants. Alors il a
fallu
centraliser les suicides.
-
D'où venait cette
recrudescence ?
-
Je n'en sais rien. Au fond,
je crois que le monde vieillit.
On
commence à y voir clair, et on en prend mal son parti.
Il en
est
aujourd'hui de la destinée comme du gouvernement,
on sait ce que
c'est ; on constate qu'on est floué partout, et on
s'en va.
Quand
on a
reconnu que la providence ment, triche, vole,
trompe les
humains comme
un simple député ses électeurs,
on se
fâche, et comme on ne peut en
nommer une autre tous les trois mois,
ainsi
que nous faisons pour nos
représentants concessionnaires,
on
quitte la place, qui est décidément
mauvaise.
-
Vraiment !
-
Oh ! moi, je ne me
plains pas.
-
Voulez-vous me dire comment
fonctionne votre oeuvre ?
-
Très volontiers.
Vous pourrez
d'ailleurs en faire partie quand il vous plaira. C'est un cercle.
-
Un
cercle ! !...
-
Oui, monsieur,
fondé par les hommes les plus éminents du pays,
par les plus grands esprits et les plus claires intelligences.
Il
ajouta, en riant de tout son
coeur :
-
Et je vous jure qu'on s'y
plaît beaucoup.
-
Ici ?
-
Oui, ici.
-
Vous m'étonnez.
-
Mon Dieu ! on s'y
plaît parce que les membres du cercle n'ont pas
cette peur de la mort
qui est
la grande gâcheuse des joies sur la
terre.
-
Mais alors, pourquoi sont-ils
membres de ce cercle, s'ils ne se tuent pas
-
On peut être membre
du cercle sans se mettre pour cela dans l'obligation de se tuer.
-
Mais alors ?
-
Je m'explique. Devant le
nombre démesurément croissant des
suicides,
devant les
spectacles hideux qu'ils nous donnaient, s'est
formée une société de pure
bienfaisance,
protectrice
des désespérés,
qui a mis à leur disposition une mort calme et insensible,
sinon
imprévue.
-
Qui donc a pu autoriser une
pareille oeuvre ?
-
Le
général Boulanger, pendant son court passage au
pouvoir. Il ne
savait rien refuser.
Il n'a
fait que cela de bon, d'ailleurs. Donc, une
société s'est formée d'hommes
clairvoyants,
désabusés,
sceptiques, qui
ont voulu élever en plein Paris une sorte de temple du
mépris de la
mort.
Elle
fut d'abord, cette maison, un endroit
redouté, dont personne
n'approchait.
Alors,
les fondateurs, qui s'y réunissaient, y ont
donné
une grande soirée d'inauguration avec
Mmes
Sarah Bernhardt, Judic,
Théo, Granier et vingt autres,
MM. de
Reszké, Coquelin, Mounet-Sully,
Paulus, etc.;
puis
des concerts, des comédies de Dumas, de
Meilhac,
d'Halévy, de Sardou.
Nous
n'avons qu'un four, une pièce de M. Becque
qui a semblé triste,
mais
qui a eu ensuite un très grand
succès à la
Comédie-Française.
Enfin
tout Paris est venu. L'affaire était
lancée.
-
Au milieu des
fêtes ! Quelle macabre plaisanterie !
-
Pas du tout. Il ne faut pas
que la mort soit triste, il faut
qu'elle soit indifférente.
Nous avons
égayé la mort, nous l'avons
fleurie, nous l'avons parfumée, nous l'avons faite
facile.
On
apprend à
secourir par l'exemple ; on peut voir, ça n'est
rien.
-
Je comprends fort bien qu'on
soit venu pour
les fêtes ; mais est-on venu pour... Elle ?
- Pas tout de suite, on se
méfiait.
-
Et plus tard ?
-
On est venu.
-
Beaucoup
-
En masse. Nous en avons plus
de quarante par jour.
On ne trouve
presque plus de noyés dans la Seine.
-
Qui est-ce qui a
commencé ?
-
Un membre du cercle.
-
Un
dévoué ?
-
Je ne crois pas. Un
embêté, un décavé,
qui
avait eu des différences énormes au
baccarat, pendant trois mois.
-
Vraiment ?
-
Le second a
été un Anglais, un excentrique.
Alors, nous avons
fait de la réclame dans les journaux,
nous avons
raconté notre procédé,
nous avons inventé des morts capables d'attirer.
Mais le
grand
mouvement a été donné par les pauvres
gens.
-
Comment
procédez-vous ?
-
Voulez-vous
visiter ? je vous expliquerai en même temps.
-
Certainement.
Il
prit son chapeau, ouvrit la
porte, me fit passer
puis
entrer
dans la salle de jeu où des hommes jouaient comme on joue
dans tous les
tripots.
Il
traversait ensuite divers salons. On y causait vivement,
gaiement.
J'avais
rarement vu un cercle aussi vivant, aussi
animé,
aussi rieur.
Comme
je m'en
étonnais :
-
Oh ! reprit le
secrétaire, l'oeuvre a une vogue inouïe.
Tout le
monde chic de l'univers entier en fait partie pour avoir l'air de
mépriser la mort.
Puis,
une fois qu'ils sont ici, ils se croient
obligés d'être gais afin de ne pas
paraître effrayés.
Alors,
on
plaisante, on rit, on blague, on a de l'esprit et on apprend
à en
avoir.
C'est
certainement aujourd'hui l'endroit le mieux
fréquenté et
le plus amusant de Paris.
Les femmes
mêmes s'occupent en ce moment de
créer une annexe pour elles.
-
Et malgré cela,
vous avez beaucoup de suicides dans la maison ?
-
Comme je vous l'ai dit,
environ quarante ou cinquante par jour.
Les
gens du monde sont rares ; mais les pauvres
diables abondent.
La
classe moyenne aussi donne beaucoup.
-
Et comment...
fait-on ?
-
On asphyxie,...
très doucement.
-
Par quel
procédé ?
- Un gaz de notre invention.
Nous avons un brevet.
De l'autre
côté
de l'édifice, il y a les portes du public.
Trois petites
portes donnant
sur de petites rues.
Quand un homme ou
une femme se présente, on
commence à l'interroger;
puis on
lui offre un secours, de l'aide, des
protections.
Si le client
accepte, on fait une enquête et souvent nous
en avons sauvé.
-
Où trouvez-vous
l'argent ?
-
Nous en avons beaucoup. La
cotisation des membres est fort
élevée.
Puis il
est de bon ton de donner à l'oeuvre.
Les noms de tous
les donateurs sont imprimés dans Le Figaro.
Or tout
suicide d'homme riche coûte mille francs.
Et ils meurent à la pose.
Ceux
des pauvres sont gratuits.
-
Comment reconnaissez-vous les
pauvres ?
-
Oh ! oh !
monsieur, on les devine !
Et puis ils
doivent apporter
un certificat d'indigents du commissaire de police de leur quartier.
Si
vous saviez comme c'est sinistre, leur entrée !
J'ai
visité une fois
seulement cette partie de notre établissement, je n'y
retournerai
jamais.
Comme
local, c'est aussi bien qu'ici, presque aussi riche et
confortable;
mais
eux..... Eux ! ! Si vous les voyiez
arriver, les
vieux en guenilles qui viennent mourir;
des
gens qui crèvent de misère
depuis des mois,
nourris au coin
des bornes comme les chiens des rues;
des
femmes en haillons, décharnées, qui
sont malades, paralysées,
incapables
de trouver leur vie et qui nous disent,
après avoir raconté
leur cas:
"Vous
voyez bien que ça ne peut pas continuer,
puisque je ne
peux plus rien faire et rien gagner, moi."
J'en ai
vu venir une de
quatre-vingt-sept ans, qui avait perdu tous ses enfants et
petits-enfants,
et qui
depuis six semaines, couchait dehors. J'en ai
été malade d'émotion.
Puis, nous avons
tant de cas différents, sans
compter les gens qui ne disent rien
et qui
demandent simplement : "Où
est-ce ?"
Ceux-là,
on les fait entrer, et c'est fini tout de suite.
Je
répétai, le coeur crispé :
-
Et... où
est-ce ?
-
Ici.
Il
ouvrit une porte en
ajoutant :
-
Entrez, c'est la partie
spécialement réservée aux membres du
cercle,
et celle qui
fonctionne le moins. Nous n'y avons eu encore que
onze anéantissements.
-
Ah ! vous appelez
cela un... anéantissement.
-
Oui, monsieur. Entrez donc.
J'hésitais.
Enfin
j'entrai. C'était une délicieuse galerie, une
sorte de serre,
que des vitraux
d'un bleu pâle d'un rose tendre, d'un
vert léger,
entouraient
poétiquement de paysages de tapisseries.
Il y
avait dans ce joli salon des divans, de superbes palmiers, des fleurs,
des roses surtout,
embaumantes,
des livres sur des tables, la Revue
des Deux Mondes,
des cigares en
des boîtes de la régie, et, ce qui
me surprit,
des pastilles de
Vichy dans une bonbonnière.
Comme
je m'en
étonnais :
-
Oh ! on vient
souvent causer ici, dit mon guide.
Il
reprit :
-
Les salles du public sont
pareilles, mais plus simplement meublées. Je
demandai :
-
Comment fait-on ?
Il
désigna du doigt
une chaise longue, couverte de crêpe de Chine
crémeux, à broderies blanches,
sous un
grand arbuste inconnu, au pied
duquel s'arrondissait, une plate-bande de réséda.
Le secrétaire ajouta
d'une voix plus basse :
-
On change à
volonté la fleur et le parfum, car notre gaz,
tout à
fait imperceptible, donne à la mort l'odeur de la fleur
qu'on aima.
On
le volatilise avec des essences.
Voulez-vous
que je vous le fasse
aspirer une seconde ?
-
Merci, lui dis-je vivement,
pas encore...
Il
se mit à rire.
-
Oh ! monsieur, il
n'y a aucun danger.
Je l'ai
moi-même constaté plusieurs fois.
J'eus
peur de lui
paraître lâche. Je repris :
-
Je veux bien.
-
Étendez-vous sur l'Endormeuse.
Un peu inquiet, je m'assis sur
la chaise basse en crêpe de Chine,
puis je m'allongeai,
et
presque aussitôt je fus enveloppé par
une odeur
délicieuse de réséda.
J'ouvris
la bouche pour la mieux boire, car mon
âme déjà s'était engourdie,
oubliait,
savourait, dans le premier
trouble de l'asphyxie,
l'ensorcelante
ivresse d'un opium enchanteur et
foudroyant.
Je
fus secoué par le
bras.
-
Oh ! oh !
monsieur, disait en riant
le secrétaire, il me semble que vous vous y laissez prendre.
............................................................
Mais
une voix, une vraie voix,
et non plus celle des songeries, me saluait avec un timbre
paysan :
-
Bonjour, m'sieu.
Ça va-t-il ?
Mon
rêve s'envola. Je
vis la Seine claire sous le soleil, et,
arrivant par un sentier,
le garde
champêtre du pays, qui touchait de sa
main droite son képi noir galonné d'argent.
Je
répondis :
-
Bonjour, Marinel.
Où allez-vous donc ?
-
Je vais constater un
noyé qu'on a repêché près
des Morillons.
Encore un qui
s'a jeté dans le bouillon.
Même
qu'il avait retiré sa
culotte pour s'attacher les jambes avec.
Ce
magnifique texte qui énonce
le droit de chacun de
mourir dans la dignité,
invite l'internaute
à rêvassser
d'une variante non-brevetable
à l'Endormeuse:
Créer,
pour 25 minutes,
- à l'instant librement choisi -
un "micro-climat parfumé"
sûr &
confortable: non-toxique
& hypoxique,
grâce
à un flux de 1 m3/h
de
N2 (Azote),
dans une poche de
polyétylène transparent...
Infos
complémentaires sur la fin de vie:
http://www.dignitas.ch/images/stories/pdf/diginpublic/referat-wf-kongress-suizidversuche-f-15062012.pdf
http://en.wikipedia.org/wiki/Suicide_bag
Fin
de vie sans douleur
:par
hypoxie
http://www.exitinternational.net
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