Léo Dubal &
Monique Larrey
@rtefact
La
représentation de scènes
de relations sexuelles
est dépendante de son ère
culturelle, du choix du support et
de la
disponibilité des outils technologiques
appropriés.
La forte composante
sensuelle des messages érotiques font que
les techniques 3-D sont les plus suggestives.
Les images stéréoscopiques
de
nature sexuelle
sont apparues dès 1850,
alors que les amateurs de films X couleur et relief
sur écran géant ont du attendre
les années 1980
...ce qui n’était
qu’un début: VR, hologrammes…
La production de figurines
érotiques en terracotta peinte,
elle, fut abondante il
y a
3’000 ans déjà.
Antonio Núñez
Jiménez (1er Prés. Acad.
Sciences, Cuba), a collectionné
de telles figurines, provenant
de la culture Tlatilco du Mexique central.
Ces statuettes (voir Fig. 1)
expriment la célébration de l’acte
sexuel
comme un élément-clé de la nature humaine.
Avec les nouvelles
méthodes
de construction, des statues sculptées ont
été
incorporées dans les murs
extérieurs de temples.
En termes d’expression érotique,
les statues
lascives
millénaires de Khajuraho, en Inde (voir Fig. 2a-b),
rivalisent avec leurs
précurseurs paléo-américaines.
Fig.
2 a-b:
Statues lascives ( Khajuraho,
M.D., Inde; Photo:
L. Dubal/ 2011)
La représentation de
scènes
érotiques en 2D pose
aux artisans d’art
rupestre & tribal,
le défi
d’éviter de réduire l’acte
sexuel à une image plate et ambiguë.
Une énigmatique
gravure du Valcamonica, illustre bien ce
problème.
La Fig. 3 est un
relevé tactigraphique,
sur laquelle sont surimposées, à tour de
rôle des interprétations bichromes.
Deux couleurs
suffisent en effet à lever les
ambiguïtés du
monochrome.
Rappelons que c’est grâce à
leurs couleurs vives que les estampes
et miniatures orientales
portent si bien leurs messages érotiques.
Fig.3 :
Partenaires camuniens (Foppe di
Nadro, Italie)
Photo : L.Dubal / 1965
+ DStrecht/2018
Oxygraphie:
Interprétation: P. Vivargent/ 1999
Tactigramme:
L.
Dubal/ 1993
avec interpretation animée en bichromie: artef@ct/2017
La clé pour contourner
les limites de la monochromie
est la production de
représentations “ouvertement
non-réalistes”
mettant
l’accent sur les attributs des partenaires,
c.-à-d.
la mise en valeur de leur “contour
typique”
à la Jan Deregowski.
L’affichage des attributs sexuels prend
alors le pas sur la visibilité ou
la non-visibilité réelle de ces attributs
(p.ex.: les seins dans Fig. 3).
1ère
solution:
Afin de mettre en valeur les attributs
sexuels,
le couple est présenté comme ouvert le
long d’un axe transversal.
La proximité des parties génitales est ainsi
conservée.
Cette stratégie est
celle des images
sexuelles
de
Brady Creek (S
15.8056° / E
144.238), en Australie.
La gravure (voir Fig. 4a) sur le lit
rocheux de la rivière a une "jumelle",
la grande
peinture monochrome (voir Fig. 4b)
ornant le plafond d’un
abri sous roche
voisin.
Fig.
4a-b: Partenaires sexuels
aborigènes: (Brady Ck,
Qld,
Australie. Photo:
L. Dubal/ 2012)
La
même solution se retrouve ailleurs.
La Fig. 5a-b est
tirée du portofolio de
Roger Boulay.
Avec son aimable
autorisation,
deux de ses dessins
d’images érotiques kanak sont reproduits ici.
( Erotik
Kanak, /
Centre Culturel Tjibaou, Nouméa 2014,
Catalogue:
Éd. de
l’Étrave)
Fig.
5a-b: Gravures érotiques kanak sur bambou
(Coll.
Savès & Chambon / Dessin:
R. Boulay)
Les
originaux sont des bambous gravés,
vieux de 150 ans, de
Ø 25 et 40 mm, un
support particulièrement fragile.
Ces deux bâtons
sont conservés aux Musées de
Toulouse & Genève.
Le grain fin du support permet des
détails bien
plus subtils que ceux de
la Fig. 4a-b.
Notons que parmi les 230 bambous gravés
répertoriés,
un dixième
comporte des images sexuelles.
2ème solution
La
vue latérale permet aussi de mettre en
évidence
les parties génitales
des partenaires,
p.ex.
à Inaouanrhat (N
24.45° / E
9.71° / 1800 m),
Illizi, Algérie
(voir Fig. 6).
Notons que
la position en levrette des
partenaires proto-berbères
semble avoir
été universellement
pratiquée.
La vue
latérale permet en outre la
représentation d’autres positions….par
ex.:
le face
à face des
“amoureux aux bras relevés”,
peint sur une paroi rocheuse
de la Serra da Capivara,
à Toca do Pau (S 8,6039° / O 42,4310°) (voir
Fig. 7).
Cette innovation retient toute l’attention du couple de
visiteurs
cervidés !
Fig. 7: Partenaires
sexuels paléo-americains : (Toca do Pau
d'Arco, PI, Brésil; Photo
Dubal/ 2009)
3ème solution
«Le
livre qui s’ouvre», c'est à dire
l’ouverture
du couple selon un axe parallèle
permet une grande liberté d'expression.
Cette solution a été utilise en
Océanie comme en Europe.
Avec elle, la position relative des
partenaires devient
une préoccupation secondaires du
lapicide.
La Fig.8a présente un couple protokanak
gravé sur un rocher de 1,80 m de hauteur
à Napwé Brangra (S
21.1080° / E
165.2830°)
.
La structure «type oignon» des protagonistes et
les
parties génitales en
médaillon sont des plus intéressantes.
Fig. 8 a:
Partenaires sexuels kanak
(Napwé Brangra,
Nouvelle
Calédonie; Photo M. Larrey /1999)
b: Partenaires
sexuels camuniens (Foppe di Nadro, Italie; Tactigramme:
L. Dubal/ 1993)
Les flots, émergeant de
leurs têtes, rappellent la palette coiffant les
têtes
du couple camunien gravé
sur un affleurement rocheux
à Foppe di Nadro, Brescia, Italie (voir Tactigramme Fig.
8-b).
La scène
« a » se déroule
près de la jonction des rivières
Nérihouen et Nèûnè dans la
Nimbaye, alors que le site de
la scène
« b » est proche de la jonction
de la rivière
Figna dans l’Oglio.
Doit-on parler ici de coïtus métaphorique ?
À
noter que le mâle camunien
«ithyphallique»
maintient de manière surréaliste le
contact
avec sa partenaire vraisemblablement
«gravide».
Dans cette hypothèse, doit-on y voir un
premier témoignage du
changement de paradigme qui bouleversa l’histoire de
l’humanité...
le difficile passage de la
pensée magique, pseudo-causale
à la pensée athée, scientifique
qu’engendra
la reconnaissance du rôle du
père
biologique dans la procréation ?
En
considérant le collectif des images sexuelles de
l’Art rupestre et tribal,
nous
conclurons que la représentation de l’acte sexuel
est exceptionnelle.
Nous
suggérons que cette rareté reflète
essentiellement des difficultés
technico-artistique
et non des tabous relatifs
à la communication de
l’acte
sexuel en dehors des rites initiatiques.