Dos Sulif ou le jardin
des roses yin-yáng
Léo DUBAL, Monique LARREY & Battista MAFFESSOLI
dubal (at)
archaeometry.org
Introduction
Le
surprenant ensemble des roses
camuniennes yin-yáng ( ) de Dos
Sulif
a été observé à 09:30 h, au
lever du soleil, au solstice d'été 2002.
À Dos
Sulif, au solstice d'été, le soleil
apparaît à 09h:30.
Dos
Sulif, en italien Dosso solatio,
en français le Dos d'âne
ensoleillé, est un site d'art rupestre camunien
de l'âge du fer,
repéré, il y a plus de 30 ans, par deux pionniers
de la chasse aux gravures camuniennes:
Battista Maffessoli et Vittorio Martinazzoli.
Situé dans la Commune de Paspardo, sur le flan Est du
Valcamonica, à une altitude de 1080 m,
cet affleurement rocheux gravé est fortement
incliné vers le Sud. Ses coordonnées sont
N 46°02'38.9" / E 10°22'13.3",
à moins de 500 m N-E à vol d'oiseau du
célèbre Capitello dei due pini.
Les stries glaciaires y suivent, en gros, l'axe N-S et semblent avoir
servi d'axe directeur aux gravures.
La Rose Camunienne "Yin-Yáng"
est construite à partir d'une croix
symétrique, formée de 2 lignes à 5
cupules.
Un des axes de la croix est
parallèle aux stries glaciaires N-S et l'autre est
aligné sur l"axe-plomb",
l'ombre projetée par un fil à plomb
faisant face au soleil levant au solstice d'été.
Une svastika de type basque
lau-buru
(4 têtes) entrelace les 9
cupules de la croix.
Grandes roses
dextrogyres gravées à Dos Sulif
[peintes au spray virtuel,
avec indication du Nord]
La Rose camunienne Yin-Yáng
est donc une composition de plusieurs symboles.
Le plus souvent, les bras arrondis de sa
svastika pointent dans le sens
des aiguilles d'une montre. Elle est donc dextrogyre, alors que
le caractère chinois (wàn)
pour svastika est lévogyre.
Yin-yán
g dextrogyre
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Lau-buru dextrogyre
|
Svastikas bouddhistes lévogyres
et Yin-yáng dextrogyres
|
Svastika camunia
dextrogyre
|
Noeud de Salomon
lévogyre |
Yin-yáng
lévogyre
|
Notons que le
noeud de Salomon, est lui aussi est lévogyre, mais sans composante
yin-yáng.
Le tracé du sillon des roses
camuniennes ying-yáng
rappellent celui du
labyrinthe de Naquane, que L.D.
a présenté à Pinerolo, à
NEWS95, et bien évidemment celui de
la rose camunienne "stationnaire", telle celle de Foppe de Nadro
(tactigraphie).
|
A. La rose la plus profonde |
B. La rose la plus délicate
|
Orientation: Solstice d'été
&
stries glaciaires N-S
Malgré
l'abondante végétation à Dos Sulif, en
écartant les feuillages, il a été
possible,
à 09:30h, au lever du soleil au solstice
d'été,
d'enregistrer trois cas de recouvrement (photos
A, B & C), entre un axe de la croix
et l'"axe-plomb".
L'autre axe de la croix semble
délibérément parallèle aux
stries glaciaires, qui suivent, elles, un axe N-S.
Au Chalcolithique, le
lever du soleil au solstice d'hiver
sur horizon dégagé - comme c'est le
cas à Newgrange ou à La
Gardette - a été
le point de repère spatio-temporel pour fixer le
début de l'année solaire. A
l'âge du fer, par contre, il semble que le
lever du soleil au solstice
d'été ait
supplanté l'ancien repère.
Rappelons que lorsque l'horizon est complètement
dégagé, les axes-plomb du
lever et du coucher au solstice d'été
sont dans le prolongement de ceux du coucher
et du lever au solstice d'hiver. Par contre, en
région montagneuse, comme au Valcamonica, cette
symétrie est brisée: à Dos Sulif, le
soleil se lève 4 heures plus tard que si l'horizon
était dégagé, soit 40° plus au
Sud.
Relevons, ici, que Gaudenzio
Ragazzi et Giuseppe Brunod, ont les premiers observé
(à l'aide d'un bâton tenu verticalement) que l'axe-plomb,
à 17h15, au coucher du soleil au
solstice d'été 1998 recouvrait un axe de
la Rosa di Sellero. Cette rose est
située sur le versant ouest de la Vallée. Au
lever du soleil le même jour, l'axe-plomb
affiche une déviation de 21° par rapport
à l'orthogonalité (avec
l'axe N-S des stries glaciaires), alors qu'au
couchant la déviation est moitié moindre, ce qui
a probablement représenté pour le lapicide un
compromis plus acceptable. Une autre
interprétation est que, comme l'axe-plomb au coucher du
soleil au solstice d'été (pour un horizon
dégagé) est équivalent à
l'axe-plomb au lever du soleil au solstice d'hiver, on ait à
faire, ici, malgré les crêtes à
l'horizon, à une survivance de l'ancien paradigme.
Dimensions
Le
diamètre des roses est compris entre 12 et 50 cm. A Dos
Sulif, les roses A,C & J sont les
plus grandes, alors que E est la plus
petite.
Sur le versant Ouest de la Vallée, H
est la plus grande, 5 fois la taille de G.
Nous avons présenté en 1993, à
Temù, au 9ème Valcamonica Symposium, la
comparaison entre les tactigraphies
de ces deux roses camuniennes. Le
résultat est montré ici sous la forme du montage
I de la rose de Sellero
ou la rose inversée de Pescarzo:
le tracé de base est le même. Si
l'hypothèse sur l'orientation solsticiale est correcte, il
faut alors admettre qu'une même amplitude pour les (certes
relativement faibles)
déviations de l'orthogonalité (- 10° et
+10°) est due au hasard du profil des crêtes de la
Vallée. Reste la question du pourquoi des deux sens de
rotation !
Sens
de rotation
La
majorité des roses camuniennes yin-yáng
rapportées ici, soit sept (A,B,C,E,F&G),
sont dextrogyres, tout comme la rose
de Guifões rapportée par Fernando
Coimbra. Seules trois (J,K &H)
sont lévogyres, auxquelles il faut ajouter la rose du Yorkshire (L).
Comme rapporté plus haut, les roses lévogyres
sont l'image-miroir des dextrogyres, d'où
l'intérêt d'une variante de l' hypothèse
physiologique émise à propos des
lapicides de La Gardette: les droitiers
traceraient des roses dextrogyres alors que les gauchers traceraient
des roses lévogyres !
Le
droit à l'erreur
Il est facile de se
convaincre de la difficulté de tracer une rose yin-yáng: il suffit
d'essayer...
Pour éviter l'échec, il semble indiqué
de commencer par tracer les 9 points en croix, espacés
régulièrement, en donnant aux deux axes la
direction souhaitée. Par exemple, dans le cas de la
rose K, cette procédure ne
semble pas avoir été rigoureusement suivie.
Le lacement de la "svastika basque" autour des cupules est la seconde
difficulté. Par exemple, dans le cas des roses C-D,F,K
& L, on
constate que si, pour les trois bras supérieurs, dextrogyre
ou lévogyre, tout se passe relativement
aisément,
c'est le bras inférieur,
celui qui est tourné "de l'autre côté",
qui semble provoquer la confusion. Il pourrait donc s'agir d'un
problème mécanique; et sa fréquence
semble conforter notre hypothèse sur les lapicides droitiers
et gauchers. Pour faciliter la lecture des gravures, nous
avons rectifié au spray virtuel semi-transparent
les tracés bancals. Pour la rose yin-yáng L
de Ilkley, c'est peut être
la présence d'une cupule surnuméraire qui a
induit le lapicide à tracer un cinquième bras.
Paola Farina nomme
une douzaine de roses camuniennes, dont la rose C-D,
" asymétriques ".
Signification
Au niveau symbolique,
alors que le labyrinthe de Naquane semble
évoquer le cycle de la vie, les roses
Yin-Yáng
de
Dos Sulif constitueraient une métaphore du cycle
de l'année solaire.
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